Tiamat

Tiamat est un monologue constitué d’une seule et longue phrase : une logorrhée tel un martèlement. Une pièce qui dissèque non seulement le business des antiquités de sang venues du Proche-Orient, rendu possible par l’opacité de structures logistiques de la place financière du Luxembourg, mais qui pose également la question de la valeur de l’héritage culturel et de la responsabilité collective et individuelle de l’Occident dans les guerres à l’autre bout du monde.

Sur le seuil d’un bar de quartier, il est là. Il pousse la porte, il est le dernier client, demande qu’on lui serve encore un verre. Il dit redouter devoir rentrer chez lui, redouter la question quotidienne de sa femme sur le déroulement de sa journée, car il devrait lui répondre que, aujourd’hui, il a conclu un deal inhabituel. Il est avocat d’affaire, il appartient à un monde caché derrière les murs des grands cabinets ou des ports francs, à cette classe qui s’enrichit malgré la crise, malgré les restrictions, malgré les guerres. Il le sait, mais ce n’est pas son problème. Il est élégant, arrogant, distant, drôle, vulgaire.

Il raconte les habitudes qu’il a dans le quartier, le quotidien dans ce cabinet d’affaires dont il est un des associés, la vague tendresse qu’il éprouve pour sa femme et pour les bordels allemands, la tristesse de sa ville natale en Lorraine, son business au Luxembourg, son béguin pour Marie, la nouvelle recrue qui, un soir dans une boîte de nuit, lui attire un client convoitable. Ce client, dirigeant d’une entreprise d’entremise et d’acquisition de biens douteux, lui propose un deal : il a besoin de papiers d’identification pour une collection d’objets d’art antique du Proche-Orient qu’un client vient de se procurer au marché noir et s’apprête à revendre. Il devient rapidement clair qu’il s’agit d’« antiquités de sang », c’est-à-dire d’objets provenant d’une région en guerre et de pillages commis par l’Etat islamique, ayant ensuite transité par des antiquaires peu scrupuleux, avant d’être stockés quelques années dans des ports francs, le temps de qu’on leur invente une histoire, pour enfin finir par décorer le bureau d’un riche collectionneur occidental.

Parmi ces artefacts, se trouve une petite statuette d’un lézard. C’est une des rares représentations de Tiamat, la déesse-mère mésopotamienne. Un désir irrépressible de posséder cette statuette s’empare de l’avocat et lui fait oublier les conventions strictes de ce genre de transaction qu’il connait pourtant si bien. Il ne veut plus être l’intermédiaire des puissants de ce monde : il veut en faire partie. À la fin de la pièce, comme si se confier à cet étranger l’aurait libéré d’un reste de conscience morale, l’avocat décide de s’ouvrir au marché noir et au trafic d’art illégal. Mais pour ce faire, il a besoin d’un homme de main. 

Publication

Traductions

  • Tiamat, ins Deutsche übersetzt von Wolfang Barth. Aufführungsrechte: Dreimasken Verlag.

  • Tiamat, dans Ο άνθρωπος που δεν έβρισκε τη χώρα του. Traduction vers le grec par Maria Papadima et Dionysis Giannoulakis. Ekdoseis Nissos, 2020.

Productions

  • Coproduction du Théâtre du Centaure et du Centre dramatique national du NEST Thionville, 2018. Mise en scène: Jean Boillot.

Prix et récompenses